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Lorenzo bandini

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  • prosto
    a répondu
    Francesco Ferrari.

    Un client fidèle de la Ferrari courant en amateur avec une GTO.

    Giorgio Scarlatti (1921-1990).

    Pilote italien privé. Il a participé à une douzaine de Grand Prix dont la moitié comptant pour le Championnat du Monde de 1956 à 1961, pour diverses écuries et sur diverses montures (Ferrari, Cooper, Maserati, De Tomaso). Son moment de gloire est arrivé quand il remporta les 4 heures de Pescara 1961 sur une Ferrari 250 Testa Rossa. Son compagnon de victoire était le jeune Lorenzo Bandini.

    Dino Pignatti.

    Mécanicien, panneauteur mais surtout connu pour avoir été le meilleur conducteur du camion transporteur. Forghieri en garde un souvenir ému et fait encore l’éloge de ses nombreuses qualités, en particulier celle d’être toujours parfaitement à l’heure avec son camion.

     Franco Villani.

    Célèbre photographe bolognais présent sur tous les Grand Prix et les courses du Championnat du monde des Constructeurs. Il a beaucoup fréquenté Maranello, et il est sans doute celui qui a pris le plus de photo de l’usine, des mécaniciens, des ouvriers, des ingénieurs. Mais il a pris aussi beaucoup de photos du Patron, souvent dans sa vie quotidienne. Il ne négligeait pas pour autant les voitures de production et il était de tous les salons automobiles comme Paris, Francfort, Genève et bien sûr Turin.

    Lorenzo Pilogallo (1933-2014).

    Journaliste, spécialiste de la rubrique auto du prestigieux quotidien milanais Il Corriere Della Sera dont il est devenu rédacteur en chef, puis directeur-adjoint de la Gazetta dello Sport. Il décèlera le premier le talent de Giancarlo Baghetti et le présentera à la Scuderia. Ses articles étaient très appréciés à Maranello. Si ce n’était sa discrétion légendaire, il aurait pu se vanter de faire partie des rarissimes personnes à tutoyer le Commandatore.

     

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  • prosto
    a répondu
    Marie-Annick.

    Longtemps, elle fut pour nous un mystère. Qui était cette Marie-Annick ? A tel point que nous nous demandions si elle n’était pas un personnage inventé pour l’occasion, pour donner une certaine substance au texte, tout en étant tout à fait vraisemblable. Forghieri, que nous avons contacté et qui nous a aidés à comprendre qui étaient les personnages secondaires présents dans le stand, ne se souvient pas d’elle ; Margherita non plus.

    Brenda Vernor, la secrétaire du Service Course, présente à Monaco mais pas dans le stand, nous a parlé avec grande émotion de Lorenzo, son voisin de palier à Maranello qu’elle considérait comme un petit frère. Elle garde très précisément dans sa mémoire les moments joyeux passés avec Lorenzo, ainsi que le verre de jus d’orange qu’il venait chercher chez elle, chaque matin. Mais de Marie-Annick, rien, aucun souvenir.

    Mais, à force de recherches, nous avons finalement découvert qui est Marie-Annick. Elle était une amie de Michèle Dubosc qui lui avait appris l’art du chronométrage. Ce matin du dimanche 7 mai, Franco Lini, un peu à l’arrache, demande à Marie-Annick Dufournier de bien vouloir l’aider à prendre les temps et à assurer le tour par tour du stand Ferrari ; ce qu’elle accepte avec plaisir.

    Jointe au téléphone, elle se souvient de ce moment dramatique et principalement s’être discrètement éclipsée du stand à la fin de la course. Elle avait senti, pendant les longues et lourdes minutes d’incertitude qui suivirent l’accident, une animosité certaine de la part de Margherita à son égard. En grand stress, l’épouse de Lorenzo s’adressa brutalement à Franco Lini en désignant la jeune chronométreuse : « qui c’est celle-là, que fait elle là ? ». Réaction que Marie Annick essaie d’analyser après 50 ans : sans doute que l’émotion immense et soudaine avait exacerbé une jalousie latente et maladive.

    Marie Annick épousera plus tard le regretté José Dolhem avec qui elle aura deux enfants, Axel et Thibault. Elle vit sereinement dans l’ouest parisien, entourée de ses enfants et petits-enfants, et elle a le plaisir de croiser parfois chez le boulanger de Montfort l’Amaury ses vieux copains Laffite et Jabouille.
     

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  • ferrari p4
    a répondu
    Bonjour, pour moi aussi, Franco Lini a été directeur sportif qu'en 1967. Quand au "moulin à bras" monsieur Forghieri, c'est d'être toujours très expressif qu'il donnait l'impression d'être le patron.  ceci. Et n'enlève rien à son génie mécanique. 

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  • tipo 151
    a répondu
    J'avais l'impression que Franco Lini avait quitté ses fonctions de Directeur Sportif de la Scuderia dès la fin 67. Était-il toujours en poste en 68 ?
    Sur les photos de 67, au Mans, à Brands Hatch par exemple, il a toujours l'air très effacé par rapport à Mauro Forghierri qui semble être non seulement le Directeur Technique, mais le Patron tout court de la Scuderia sur le terrain.
     

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  • prosto
    a répondu
    Franco Lini (1924 – 1996).

    Né à Mantoue, il est allé à l’école avec le fils de Tazio Nuvolari. Il s’intéresse davantage aux sports mécaniques qu’à l’affaire familiale de machines-outils. Après un accident de moto, il se consacre exclusivement au métier de journaliste et couvre pour un journal milanais les courses automobiles. Il sera l’un des premiers à suivre toutes les courses de F1 à travers le monde. Fin 1966, Enzo Ferrari le contacte pour remplacer Eugenio Dragoni. Ce dernier s’était mis toute la presse à dos et en privilégiant systématiquement Bandini par rapport à Surtees, créant une ambiance détestable à la Scuderia. Lini, homme de presse, diplomate, malin, rusé, ferait l’affaire. Il sera auréolé de gloire pour avoir été le Directeur sportif de la Ferrari en février 1967 lorsque la Scuderia fit 1er, 2ème et 3ème aux 24 heures de Daytona. Parmi diverses recommandations faites au Commendatore, il y aura celle d’embaucher Chris Amon. On pourrait imaginer qu’après le départ de Surtees, voir arriver Amon n’était pas pour faire plaisir à Lorenzo. Serait-ce une explication à la forte inimitié que nous avons sentie de la part de Margherita ?

    Epuisé par la fonction, Lini, à la fin de son contrat de deux ans, est retourné à son métier de journaliste. Il travaillera notamment pour Autosprint et L’Equipe. Nous le rencontrerons souvent au bord des circuits, toujours aimable avec la bande de « journalistes » très, très amateurs que nous étions, nous gratifiant de son amitié en nous aidant même souvent à franchir le difficile barrage de la Salle de Presse. Gros fumeur, il succombera à un cancer des poumons à l’âge de 72 ans.
     

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  • prosto
    a répondu
    Superbe photo !

    Voici la suite des articles de Classic Course. Les personnages cités ci-dessus !

    Margherita Bandini.

    L’épouse de Lorenzo. Ils se sont connus au garage du père de Margherita où il travaillait comme apprenti mécanicien. Avec l’accord bienveillant de son patron, après sa journée de travail, il préparait les voitures avec lesquelles il fera ses premières courses de côte.

    Il est intéressant de noter que dans les quelques interviews que Margherita a donnés, le déroulement du moment décrit dans la préface est légèrement différent. Margherita dit : « j’ai vu un champignon de fumée, alors j’ai crié : « C’est Lorenzo, C’est Lorenzo ». Le ciel m’est tombé sur la tête. Jim Clark est passé pour me rassurer et m’a dit : « Lorenzo OK ». »
    Pour compléter ces moments dramatiques, nous pouvons ajouter la suite de l’interview. A l’hôpital, c’est Alessandro Onassis qui m’a été d’un grand soutien, lui et Forghieri.
    Après 7 ou 8 heures, le professeur Chatelet est venu me dire que Lorenzo était brulé à 90%. J’ai pensé en moi-même : Bon, c’est moins grave que je le craignais. Alors le professeur a ajouté : « Madame, en tant que médecin je fais tout ce que je peux, mais en tant qu’homme, j’espère qu’il ne survivra pas. » Il mourra trois jours plus tard le 10 mai.

    Margherita poursuit : A 28 ans, je me suis écroulée. J’ai dépensé une grande partie des 10 millions de l’assurance pour sa pierre tombale et me suis un peu abandonnée. Trois ans plus tard, en me regardant dans la glace, je me suis trouvée horrible. Alors j’ai décidé de revenir à la vie. Je suis allée chez le chirurgien esthétique qui m’a refait le nez. Je me suis teint les cheveux en blond et j’ai perdu 10 kg. Une autre vie démarrait, un deuxième mari, un fils, une famille…

    Lors des échanges que nous avons eus avec Margherita Bandini pendant la préparation de cette note, celle-ci n’a pas pu dissimuler son aversion pour Franco Lini. Incidemment, elle nous a permis d’apprendre des nouveaux mots en italien ; des mots que, par euphémisme, nous qualifierions d’oiseaux. Pour faire bref, elle considère que Franco Lini parlait beaucoup mais pas toujours vrai.


     

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  • CMTARGA
    a répondu
    Puisque PROSTO ne nous en met pas plus, celle-ci de Lorenzo en essais sur la première DINO  probablement avant sa victoire à VALLELUNGA  en 1965 (source AUTODIVA...)

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  • prosto
    a répondu
    Suite...

    Les monoplaces recommencent à passer

    Il y a de nouveau du bruit sur la piste. La course vit ses derniers moments. Tout le monde a les yeux braqués sur Hulme et ses poursuivants. Le haut-parleur donne les ultimes temps de passage. Dans le stand Ferrari chacun regarde les bords du circuit, d’un côté et de l’autre, pour voir si Lorenzo arrive. « Mais pourquoi ne revient-il pas ? » interroge Marie-Annick en s’agitant. « Imaginez la confusion qui existe, avec tout ce monde, il préférera attendre la fin de la course pour rentrer », explique Margherita. « Il est capable de faire deux kilomètres à pied. Il va se plaindre de sa voiture abimée. Quand il sera là, je vais lui tirer les oreilles. »

    « Rectification : le pilote de la voiture numéro dix-huit est blessé et a été transporté à l’hôpital. » La voix qui sort du haut-parleur dégringole des tribunes. L’annonce est confuse, couverte par le rugissement d’une voiture qui passe dans la ligne droite. Les spectateurs sont debout à nouveau.

    Franco Lini croise une nouvelle fois le regard de Pignatti. C’est la confirmation de ce qu’ils craignaient. Il regarde Margherita un instant. Elle a l’air calme, un calme que seule trahit une lèvre serrée entre ses dents. Elle tient toujours le chronomètre dans sa main et continue à regarder ses aiguilles ; mais elle ne sait plus pourquoi. Francesco Ferrari et Giorgio Scarlatti parlent fort. Ils discutent. Ils demandent. Tout le monde parle, maintenant. Seuls Scarfiotti et la femme d’Amon restent silencieux et immobiles.
    Continuer sans forcer

    Lini sait quel est son rôle à cet instant : attirer l’attention de chacun sur la fin de course. Il n’y a rien d’autre à faire : le circuit est inaccessible, personne ne peut aller voir ce qui se passe. Toute panique, toute nervosité pourrait créer de nouveaux problèmes. Malgré cela, il est difficile de continuer à regarder son chronomètre, de comprendre ce que les aiguilles indiquent. Mais il doit le faire. Il ordonne à Pignatti de présenter un panneau à Amon : – Continuer sans forcer -. A présent la course est considérée comme terminée, il faut conserver les positions. Le panneau pour Amon est prêt. Mais sa voiture arrive lentement dans la voie des stands. De loin, Amon fait un signe de main : il indique un de ses pneus. Quatre mécaniciens se préparent très vite et glissent le cric sous la voiture. L’un d’eux donne des coups de maillet pour démonter la roue. En effet, il y a une entaille sur la bande de roulement du pneu d’Amon, peut être un débris de la voiture de Bandini. Un nouveau pneu. Encore des coups de marteau. Quelqu’un se penche en dehors du stand, demande des nouvelles de Bandini. Amon n’entend même pas. Il ne s’occupe que des mécaniciens qui finissent de remonter sa roue. On retire le cric. Un grondement. Un crissement de pneus. C’est déjà parti.


    « Sortez d’ici »

    Deux messieurs arrivent en courant dans le box Ferrari, il s’agit de Franco Villani, photographe, et de Lorenzo Pilogallo, journaliste milanais. Ils ont l’air bouleversé. Ils parlent mais leurs propos sont confus, incompréhensibles. Pilogallo porte ses mains devant les yeux comme pour effacer une image terrible ; Villani fait des gestes pour signifier son abattement. Tout le monde s’accroche à eux en les interrogeant. Franco Lini écarte brutalement deux ou trois personnes ; il prend Pilogallo par le bras et lui dit d’une voix brisée : «va-t’en, va-t’en, ne te montre pas à Margherita, sors d’ici, sors d’ici. » Et il les pousse hors du stand. Il n’a compris que quelques mots : « mort », « effrayant », « feu ». Alors, d’abord et avant tout, il est nécessaire de protéger Margherita. « Sortez d’ici », répète-t-il aux deux journalistes.

    En se retournant, il croise les yeux de Margherita. Froids, terribles, immenses. Sur son visage blanc, ces deux yeux sont comme une barrière infranchissable. Elle a sans doute compris. Elle a vu ce qui se passait autour d’elle. Plus personne n’a le courage de rester à ses côtés. Tout le monde parle à voix basse, et la regarde en cachette. Lini s’approche d’elle, lui prend le bras, lui sourit. « Allez, encore, deux tours et la course est finie. Six ou sept minutes. Pour l’instant, nous ne pouvons rien faire, la piste est inaccessible. Reste calme. »

    Derrière la tribune, la fumée noire continue de grimper dans le ciel. C’est un gros champignon effiloché. Presque immobile.


    Addio Bandini, Franco Lini et Luigi Costantini (l’Editrice dell’ Automobile, 1967)
    (traduction de Jean-Paul Orjebin)

    A suivre...

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  • prosto
    a répondu
    suite...

    Regard perdu, Margherita, cherche un soutien dans ce lieu clos et rassurant. Elle est toujours assise sur sa chaise haute d’où elle n’a pas bougé depuis le moment où Chiron a baissé le drapeau du départ. Elle regarde toujours son chronomètre. Elle se penche vers lui, espérant y trouver une réponse à l’angoisse qui l’étreint et qui augmente. Elle lève à nouveau les yeux vers la piste. Un nuage noir, un nuage de fumée noire s’élève lentement derrière la tribune. Il est loin, peut-être un kilomètre, peut-être plus. Il est lourd, il monte lentement en s’effilochant dans le ciel pur. Tout le monde le voit. La foule dans les tribunes ondule en formant des vagues. Un bruissement confus devient de plus en plus fort. Margherita porte la main à son front, en visière. Le regard au loin. L’autre main serre toujours le chronomètre. Maintenant tout le monde est debout, dans les tribunes comme dans les stands.


    Franco Lini

    Le bruit d’un moteur monte du bas de la courbe. Une voiture rouge. Elle passe vite : c’est Amon. L’inquiétude est totale : cette fumée signifie qu’il est arrivé quelque chose à Bandini. Au milieu de tous ces visages, Franco Lini croise les yeux de Pignatti. Son regard en dit long ; en une fraction de seconde, Lini a compris. Pignatti est un vieux mécanicien de Ferrari, il est l’homme qui a suivi des centaines et des centaines de courses. C’est un peu le factotum de la Scuderia : il conduit le camion transportant les voitures et s’occupe en expert de prendre les temps au tour. Il a acquis ce sixième sens qui lui permet de comprendre immédiatement les situations. Il sait de quoi il s’agit, il sait de quel point du circuit provient cette fumée. À la chicane, si une voiture est en feu cela signifie qu’elle n’a pas fini dans le port. Et si elle n’a pas fini dans l’eau… Franco Lini a compris ce que pense Pignatti. Mais il faut éviter que d’autres comprennent. Surtout pas Margherita.

    Il opine rapidement de la tête et s’adresse d’un ton sévère et brusque à Pignatti : « le temps d’Amon ; quel est le temps d’Amon ? », crie-t-il suffisamment fort pour être entendu de tous. Il le sait parfaitement, il l’a lu sur son chronomètre mais il faut distraire Margherita, calmer l’anxiété qui règne dans le stand. Du haut-parleur parvient une information. « La voiture numéro dix-huit a été victime d’un incident à la courbe de la chicane. Le pilote est indemne et revient au stand. » Clameur de la foule.

    Commentaires. C’est comme si la course était finie : Hulme a la victoire dans la poche. Ce malheureux Bandini, il a trop forcé. Quelqu’un dit qu’il était fatigué. Dans les derniers tours, son pilotage était dangereux. Phil Hill, assis dans le stand, dit : « Il n’était pas bien. Je l’ai vu à sa façon de sortir du virage avant la ligne droite dans le tour précédent. ». Franco Lini se tourne vers l’ingénieur Forghieri : « Nous sommes maintenant sans voiture pour le Grand Prix de Hollande. Un sacré problème ! »


    A suivre...

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  • prosto
    a répondu
    Voici la 4è partie. Merci à toi ferrari p4 !

    Quinze secondes…

    …dix-huit secondes, vingt, vingt-cinq. Les aiguilles du chronomètre continuent de tourner, implacables, indifférentes. Dans la courbe, plus loin, personne ne bouge. Seulement ce silence vibrant, absurde. Il semblerait que le circuit soit soudainement déserté ; que les voitures rouges et vertes et le hurlement de leurs moteurs n’ont jamais existé. La voiture de Hulme est passée devant le stand il y a une trentaine de secondes, elle est loin maintenant, oubliée. La piste est vide, l’asphalte tremble légèrement dans la chaleur paresseuse de ce dimanche de mai. L’on n’entend que le bourdonnement léger de la foule. Depuis les gradins, les spectateurs se penchent en avant, tout le monde regarde, au loin, à la recherche d’une voiture qui n’arrive pas. Dans ce silence oppressant, le son saturé d’un transistor provient des tribunes, il est poussé à fond, il paraît très fort dans ce silence vide et immobile. Puis il se tait, brusquement.

    Les aiguilles des chronomètres sont les seules à bouger, leur tic-tac est fort, il pénètre dans la tête de ceux qui le serrent d’une main nerveuse. Un tic-tac de plus en plus fort, martelant et tragique.

    Margherita Bandini lève les yeux du cadran pour regarder une nouvelle fois le virage. Puis elle lève la tête et cherche du regard le Directeur sportif. Franco Lini a glissé une main dans son col pour l’écarter, comme s’il avait soudainement très chaud, comme si la température devenait insupportable. D’un mouvement de la tête, il regarde toutes ces mains serrées sur les chronos, chacune de ces paires d’yeux qui s’interrogent et qui attendent une réponse de sa part.


    Marie-Annick

    Il y a toujours beaucoup de monde dans un stand pendant une course. Les mécaniciens ne sont qu’un des éléments d’une sorte de chorégraphie, D’autres personnages forment ce ballet : il y a les épouses des pilotes, les amis du patron, des photographes avec leur Leica suspendus au cou, des jeunes filles en jeans. Tous ont un chronomètre. La course est ressentie à travers le tic-tac qui fait vibrer la paume de votre main. Marie-Annick (3) est la plus nerveuse. « Que se passe-t-il ? » (En français dans le texte), demande-t-elle en montrant son chronomètre. Personne ne lui répond. Elle tapote l’épaule de Franco Lini. Il ne se tourne même pas. Marie-Annick est très douée pour prendre les temps, elle sait tout du monde de la course. Elle est l’amie de tous les pilotes, elle va de circuit en circuit. Elle a une passion intense pour ce sport. Le clan Ferrari, c’est sa maison. Il n’y a aucune raison précise qui justifie qu’elle soit là, dans les stands. Mais sa présence est devenue une évidence, c’est comme ça. « Que se passe-t-il ? », répète-t-elle de nouveau, en français.

    « Mais que fait donc Lorenzo ? »

    Francesco Ferrari, un monsieur déjà âgé, fort et élégant, chuchote. « Mais que fait donc Lorenzo ? » Il dit cela d’une voix basse et hésitante. Il est le propriétaire d’un grand hôtel de luxe à Rome. C’est un client et pilote amateur de Ferrari, mais surtout un tifosi fidèle de la Scuderia qui ne manque jamais une course où les voitures de Maranello sont en piste. « Pourquoi ne passe-t-il pas ? » ajoute-t-il, se penchant hors du stand pour essayer de voir quelque chose au loin ; mais les épaules massives de deux mécaniciens devant lui l’en empêchent. Giorgio Scarlatti se tient debout sur un tas de pneus. Lui aussi regarde au loin. Il regarde, étonné par le silence qui a envahi la piste. Un peu plus loin, Ludovico Scarfiotti est figé, le regard dans le vide, distingué, élégant dans son complet de gentleman en villégiature.

    Un photographe lui demande quelque chose. Il ne l’entend pas. Dans un coin, frêle, timide, la femme de Chris Amon. Une jeune femme douce et blonde, venue avec lui de leur Nouvelle-Zélande natale. Il y a tellement de monde devant elle qu’elle ne voit même pas la piste. Elle a l’air effrayé, elle ne comprend pas bien ce qui se passe, mais une chose est certaine, elle a peur.
     

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  • ferrari p4
    a répondu
    Bonsoir, merci pour la dernière partie du récit que je ne connaissais pas.

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  • CMTARGA
    a répondu
    Alors n'hésite pas....

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  • prosto
    a répondu
    C'est avec plaisir CMTARGA. Il y a une suite qui s'intitule "Il est 17 heures 10" qui est passionnante.

    Quelques photos.



    Avec Franco Lini



    Au départ
     
    Dernière modification par prosto, 17 mai 2020, 11h05.

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  • CMTARGA
    a répondu
    Merci PROSTO 

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  • prosto
    a répondu
    C'est toujours le cas !

    Vers le 65ème tour, Bandini commence progressivement à lâcher prise. Petit à petit, l’écart recommence à se creuser : 15 secondes au 70ème tour. Au même moment, McLaren s’arrête à son stand, laissant la troisième place à Chris Amon. En tête, Denny Hulme maîtrise la course, avec une incroyable aisance, aidé il est vrai par une voiture parfaite pour la circonstance. « Ma voiture était la meilleure du plateau, parfaitement équilibrée Elle survirait un peu mais son comportement était vraiment extraordinaire grâce à sa légèreté. Je n’avais presque pas besoin de tourner le volant et je pouvais la diriger à l’accélérateur. » déclara-t-il après la course. A l’évidence, Bandini ne peut pas en dire autant et commence à montrer des signes de fatigue. Bien des années plus tard, Giulio Borsari se souvenait : « il était arrivé à 7 secondes du leader, Denny Hulme. Il donnait l’impression de pouvoir le rattraper. A chaque passage devant les stands, nous lui faisions des signes et il nous répondait.

    Puis, soudain, il a cessé de nous répondre. Il pilotait la tête inclinée vers l’avant, comme s’il dormait. Il était clairement victime d’un écroulement physique. Il fallait l’arrêter ! Mais on n’arrête pas un pilote qui a accompli une telle remontée et qui se retrouve deuxième, à quelques centaines de mètres du leader. Ce n’était pas une décision facile à prendre pour le directeur sportif, Franco Lini. On le laissa donc continuer ainsi. Ce qui devait arriver arriva. »


    Dans le stand Ferrari, on ne se fait plus d’illusions. Après tout, finir aux deuxième et troisième, ce n’est pas si mal même si on espérait plus. Franco Lini a montré le panneau SLOW à Bandini. Au 80ème tour, il y a 20 secondes d’écart. Bandini a ralenti, tout simplement parce qu’il est épuisé. C’est visible à l’œil nu : ses zones de freinage varient d’un tour à l’autre, ses trajectoires sont changeantes, il manque des changements de vitesses. Phil Hill apporte son témoignage : « à la fin du 81ème tour, il était en train de craquer, déjà un peu « en vrac » après le Gazomètre à l’entrée de la ligne droite des stands. »

    Margherita a une dernière vision de son mari passant devant les stands à l’amorce du 82ème tour (10). Elle ne voit pas ce que lui indiquent les panneauteurs de l’équipe, mais en réponse, elle le voit lâcher brièvement les deux mains de son volant, et les lever au ciel, probablement en signe d’exaspération et d’impuissance dans sa poursuite de Denny Hulme : il ne peut pas aller plus vite. Surtout, il est épuisé. Pourtant, il n’abandonne pas. A la sortie du tunnel, plusieurs témoins ont l’impression que la Ferrari va encore plus vite que d’habitude. Trop vite ? les freins commencent-t-ils à donner des signes de fatigue ? La Ferrari heurte le pilonne gauche de la chicane *.
    Il est 17 heures 10, ce dimanche 7 mai 1967.

    René Fiévet et Jean-Paul Orjebin extrait du livre de Franco Lini « Addio Bandini ».

    *Victime d’un malaise ? Piste jamais évoquée.

     

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