Lorsque Ford du Canada a cherché un nouveau président en avril 2001 (le 14e depuis sa fondation en 1904), le nom d'Alain Batty n'a pas tardé à se retrouver en tête de liste. Et pour cause: en plus d'être parfaitement trilingue, le Français né en Algérie avait l'avantage de bien connaître les airs canadiens puisqu'il a étudié à l'Université de Montréal.
Au début des années 1970, le goût de l'aventure pousse le futur président de Ford du Canada, alors âgé de 20 ans, en sol nord-américain. C'est à Montréal qu'il se pose. Alain Batty garde les meilleurs souvenirs des trois années passées à l'École des hautes études commerciales, comme des 18 mois consacrés à parcourir le Québec à bord d'une vieille Volvo pour vendre des manuels médicaux. «Cette période a changé ma vie pour toujours: j'ai rencontré ma future épouse (Ginette Audet, avec qui il a deux enfants) et noué mes plus grandes amitiés.»
Au milieu des années soixante-dix, Alain Batty retourne en France pour compléter un DEA (l'équivalent de notre doctorat) à l'Université d'Aix-en-Provence. Sa thèse: «Est-il possible de comprendre les stratégies de planification des concurrents sans employer des moyens illégaux tel l'espionnage?» Alain Batty a soutenu que oui.
Comme par hasard, Renault venait de créer un département de planification stratégique. Le constructeur automobile français y embauche M. Batty. «On m'a demandé d'appliquer ma thèse en analysant la stratégie de Ford en Europe. Ce que j'ai vu de l'entreprise américaine m'a énormément plu. J'ai compris qu'on y déménageait régulièrement les gens pour leur permettre d'apprendre toutes les facettes du métier. Et j'ai été attiré par les possibilités de carrière internationale.»
En 1977, Alain Batty fait le grand saut chez Ford. Depuis, les mandats se suivent, mais ne se ressemblent guère: poste de direction en France et en Belgique, présidence au Luxembourg et en Espagne -où en deux ans, Ford est devenue la marque automobile la plus populaire du pays.
En 1995, le Français est appelé à Detroit, où il est chargé du marketing et des ventes pour l'Asie et le Pacifique. «La région est gigantesque et si on m'a choisi, c'est sans doute pour mon profil de coureur de marathon...»
En 1998, nouveau défi: présider les destinées de Ford en Russie. «J'ai accepté parce que je voulais élargir mes compétences du côté manufacturier.» Alain Batty a été servi: après l'avoir négociée, il a veillé à la construction, près de Saint-Pétersbourg, d'une usine de montage de 150 millions de dollars américains, la première de Ford depuis les années 1930 en territoire russe. «Partir d'une feuille blanche et trois ans plus tard, voir les premières Focus sortir de la chaîne de production (l'été dernier) a été extraordinaire.»
C'est toutefois à distance qu'il a éprouvé un sentiment mérité du devoir accompli. En effet, en avril 2001, il est ramené au Canada, quatrième marché en importance pour Ford.
Au cours de ses premiers mois à titre de président et chef de la direction de Ford du Canada, Alain Batty a parcouru le pays de long en large, à l'écoute des 16 000 employés et des 515 concessionnaires. «Lorsque je suis arrivé en poste, il y avait un malaise évident. Les concessionnaires nous reprochaient une faible rentabilité. Mon premier objectif a été de remettre la famille Ford au travail. J'ai misé sur le dialogue, mais j'avais aussi la chance d'être nouveau, en période de grâce.»
Vingt mois plus tard, M. Batty considère l'activité réussie. «Le réseau s'est remis en place et au Québec, notamment, la rentabilité a plus que doublé.» L'an dernier, les activités canadiennes de Ford ont rapporté 21,6 milliards de dollars canadiens.
Lors d'une conférence à Montréal devant les membres du Cercle canadien, au printemps dernier, M. Batty confiait: «Notre industrie est fascinante, mais aussi brutale et sans merci; les cycles de développement de produits y sont notamment très longs.»
Mais, citant son grand patron Bill Ford avec lequel il a travaillé en Europe, il a rappelé l'apport de l'automobile: «Avant sa venue, les gens ne s'éloignaient que de 30 kilomètres de leur lieu de naissance, en moyenne, durant leur vie.»
Côté déplacements, la feuille de route d'Alain Batty témoigne d'une envie incessante de bouger. «Tous les défis sont faits pour être relevés», explique celui qui a vécu, travaillé et étudié en Afrique, en Europe, au Canada, aux États-Unis, en Asie et en Russie. Et qui parle couramment l'anglais, le français et l'espagnol, se débrouille en flamand et en allemand, en plus de «baragouiner» suffisamment le russe pour commander au resto...
Nadine Filion,
La Presse.
Au début des années 1970, le goût de l'aventure pousse le futur président de Ford du Canada, alors âgé de 20 ans, en sol nord-américain. C'est à Montréal qu'il se pose. Alain Batty garde les meilleurs souvenirs des trois années passées à l'École des hautes études commerciales, comme des 18 mois consacrés à parcourir le Québec à bord d'une vieille Volvo pour vendre des manuels médicaux. «Cette période a changé ma vie pour toujours: j'ai rencontré ma future épouse (Ginette Audet, avec qui il a deux enfants) et noué mes plus grandes amitiés.»
Au milieu des années soixante-dix, Alain Batty retourne en France pour compléter un DEA (l'équivalent de notre doctorat) à l'Université d'Aix-en-Provence. Sa thèse: «Est-il possible de comprendre les stratégies de planification des concurrents sans employer des moyens illégaux tel l'espionnage?» Alain Batty a soutenu que oui.
Comme par hasard, Renault venait de créer un département de planification stratégique. Le constructeur automobile français y embauche M. Batty. «On m'a demandé d'appliquer ma thèse en analysant la stratégie de Ford en Europe. Ce que j'ai vu de l'entreprise américaine m'a énormément plu. J'ai compris qu'on y déménageait régulièrement les gens pour leur permettre d'apprendre toutes les facettes du métier. Et j'ai été attiré par les possibilités de carrière internationale.»
En 1977, Alain Batty fait le grand saut chez Ford. Depuis, les mandats se suivent, mais ne se ressemblent guère: poste de direction en France et en Belgique, présidence au Luxembourg et en Espagne -où en deux ans, Ford est devenue la marque automobile la plus populaire du pays.
En 1995, le Français est appelé à Detroit, où il est chargé du marketing et des ventes pour l'Asie et le Pacifique. «La région est gigantesque et si on m'a choisi, c'est sans doute pour mon profil de coureur de marathon...»
En 1998, nouveau défi: présider les destinées de Ford en Russie. «J'ai accepté parce que je voulais élargir mes compétences du côté manufacturier.» Alain Batty a été servi: après l'avoir négociée, il a veillé à la construction, près de Saint-Pétersbourg, d'une usine de montage de 150 millions de dollars américains, la première de Ford depuis les années 1930 en territoire russe. «Partir d'une feuille blanche et trois ans plus tard, voir les premières Focus sortir de la chaîne de production (l'été dernier) a été extraordinaire.»
C'est toutefois à distance qu'il a éprouvé un sentiment mérité du devoir accompli. En effet, en avril 2001, il est ramené au Canada, quatrième marché en importance pour Ford.
Au cours de ses premiers mois à titre de président et chef de la direction de Ford du Canada, Alain Batty a parcouru le pays de long en large, à l'écoute des 16 000 employés et des 515 concessionnaires. «Lorsque je suis arrivé en poste, il y avait un malaise évident. Les concessionnaires nous reprochaient une faible rentabilité. Mon premier objectif a été de remettre la famille Ford au travail. J'ai misé sur le dialogue, mais j'avais aussi la chance d'être nouveau, en période de grâce.»
Vingt mois plus tard, M. Batty considère l'activité réussie. «Le réseau s'est remis en place et au Québec, notamment, la rentabilité a plus que doublé.» L'an dernier, les activités canadiennes de Ford ont rapporté 21,6 milliards de dollars canadiens.
Lors d'une conférence à Montréal devant les membres du Cercle canadien, au printemps dernier, M. Batty confiait: «Notre industrie est fascinante, mais aussi brutale et sans merci; les cycles de développement de produits y sont notamment très longs.»
Mais, citant son grand patron Bill Ford avec lequel il a travaillé en Europe, il a rappelé l'apport de l'automobile: «Avant sa venue, les gens ne s'éloignaient que de 30 kilomètres de leur lieu de naissance, en moyenne, durant leur vie.»
Côté déplacements, la feuille de route d'Alain Batty témoigne d'une envie incessante de bouger. «Tous les défis sont faits pour être relevés», explique celui qui a vécu, travaillé et étudié en Afrique, en Europe, au Canada, aux États-Unis, en Asie et en Russie. Et qui parle couramment l'anglais, le français et l'espagnol, se débrouille en flamand et en allemand, en plus de «baragouiner» suffisamment le russe pour commander au resto...
Nadine Filion,
La Presse.